Le
mythe du veau d’or.
« Je suis le seigneur ton Dieu, c’est moi qui fait sortir d’Egypte où tu étais esclave. »
Tiré du deuxième livre du pentateuque*, ce verset central du récit biblique de l’exode*
(XX, 2), dans sa version rédigée par les septante*, révèle le sens du titre car, de fait, Exode est à prendre dans le sens de sortie, et donne l’essentiel de son contenu : Dieu est le libérateur de son peuple.
L’Exode, c’est avant tout l’histoire de Moise (en hébreu Moshé), prophète et législateur d’Israël du XIII° av. J-C, connu essentiellement par les cinq livres du Pentateuque. Fils de parents hébreux, il serait né sous le règne de Ramsès II (1301 à 1235 env.) en Egypte.
Après »s avoir échappé providentiellement à l’extermination des nouveau-nés mâles hébreux de ce pays ( à croire la légende du berceau d’osier abandonné sur le Nil ), il est élevé à la cour du pharaon qui persécute son peuple. Le meurtre d’un fonctionnaire égyptien le contraint à se réfugiait dans le désert du Sinaï, où Yahvé lui apparaît sous la forme d’un buisson ardent et lui enjoint de conduire hors d’Egypte les tribus hébraïques captives. Il dirige alors les Hébreux vers le pays de Canaan, leur fait traverser la mer Rouge, dont les eaux se sont ouvertes, reçoit de Dieu les Tables de la Loi (encore appelées les Dix commandements ou Décalogue). Cette loi est d’une grande originalité, car elle affirme l’existence d’un Dieu unique. Moise est le constructeur de l’arche d’Alliance, symbole de la présence, symbole de la présence de Yahvé parmi le peuple élu (le peuple juif). Il est dit que Dieu ne lui accorda pas, comme à toute la génération qui avait vécu en Egypte, le droit d’entrer en Terre promise, mais lui permit de la contempler du haut du mont Nébo, où il mourut.
*Pentateuque (du grec penta, et teuch, livre), nom que donnèrent les
Grecs à l’ensemble des cinq premiers livres de l’Ancien testament, à savoir la
Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome.Le terme fut
employé par Origène pour ce que les juifs de son époque appelaient les « cinq cinquièmes de la
Torah ». « Les cinq livres de Moise », comme est parfois
appelé le Pentateuque, furent utilisés pour la première fois dans l’Eglise occidentale
par saint Jérôme. L’origine mosaïque de l’ouvrage n’est pas directement affirmé dans les
livres mais a été peu à peu acceptée tacitement par l’orthodoxie chrétienne. Le
Pentateuque reprend d’antiques traditions orales, en particulier la tradition
yahviste, qui désigne Dieu par le tétragramme YHWH – transcrit en Jéhovah ou
Yahvé – et celle dite élohiste, qui désigne Dieu par le nom Elohim.Le prêtre et
réformateur hébreu Esdras donna une
nouvelle impulsion à l’observance des règles du Pentateuques qu’il érigea en
loi « à tous les adorateurs du Dieu du Ciel ».
*Exode (Livre de l’). Les juifs le désignent par ses
premiers mots, Weelleh Shemot (voici les mots).
* Septante, nom donné à la première traduction grecque de l’Ancien
testament hébreu. Le terme est dérivé du latin septuaginta (soixante-dix, d’où l’abréviation courante LXX) et évoque les soixante-dix ou
soixante douze traducteurs qui auraient été désignés par un grand prêtre juif
pour traduire une version grecque de la Bible hébraïque sur ordre de l’empereur
helléniste Ptolémée II. Les traducteurs, réunis sue une île, auraient achevé
le travail en soixante-douze jours. De plus, ils auraient travaillé séparément,
élaborant ainsi soixante-douze traductions. En réalité la traduction fut
recommencée au III° siècle av.J-C. et achevée au II°
siècle apr.J-C.
Ce travail fut élaboré pour
répondre aux besoins des juifs hellénisants disséminés hors de Palestine qui étaient incapables de lire les
Ecritures dans la langue hébraïque originale. Les différentes traductions
présentaient des contresens et des maladresses, certains passages furent
écourtés, d’autres librement interprétés. Toutefois, la Septante était très
connue et devint rapidement le texte de l’Ancien Testament pour les
chrétiens.Par la suite, de nouvelles traductions furent élaborées.On note plus
particulièrement le travail de correction d’Origène (185– 254) qui unifia les
versions. Ses Hexaples présentaient, en six colonnes, six traductions, dont le texte
hébreu en caractères grec.
Concernant l’épisode du Veau d’or, selon l’Exode (XXXII, 1 – 24), alors que le peuple hébreu est dans le désert et qu’il doute car Moise l’a laissé pour gravir le Mont Sinaï, il se fabrique un veau d’or et proclame : « Voici ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Egypte » (XXXII, 4). Selon toute vraisemblance, s’il est possible de reconnaître une authenticité historique et non uniquement religieuse à ce texte, il s s’agirait en fait de la représentation en bois ornée d’or d’un taureau*. Le terme de veau, initié ultérieurement par les prêtres juifs est évidement péjoratif et a pour but de jeter l’opprobre sur cet épisode peu glorieux de l’histoire des Israélites. Fondue au pied du Mont Sinaï, à partir des bijoux des femmes Israélites, cette idole aurait été conçue à l’instigation d’Aaron*, frère de Moise, alors que ce dernier se trouvait sur la montagne pour y recevoir les tables de la Loi. Plus tard, lorsque Moise l’accusa de pécher, Aaron, qui devait devenir le premier grand prêtre et le fondateur de la prêtrise chez les Hébreux, expliqua face à la colère de Moise qu’il avait créé le Veau d’or afin de satisfaire le désir des Hébreux pour un objet de culte visible (Exode, XXXII, 21-24).
Jéroboam I°* plaça plus tard des objets de cultes similaires dans les antiques villes de Béthel et Dan, selon le premier Livre des Rois (XXII, 28-29) : « après s’être consulté, le roi fit deux veaux d’or, et il dit au peuple : « Assez longtemps vous êtes montés à Jérusalem ; Israël ! Voici ton Dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte. » Dans les faits, les premiers écrits de la traversée du désert du Sinaï guidé par Moise ont été rédigés plusieurs siècles après les évènements, sous le règne de Salomon ou au temps de la cassure d’Israël en deux royaumes distincts. Or, dans le royaume du Nord le roi Jéroboam avait fait fabriquer, vers l’année 930 avant Jésus-Christ, deux grands taureaux en or, l’un au sanctuaire de Béthel*, l’autre au sanctuaire de Dan*. Béthel au Nord et Dan au Sud, Jéroboam encadrait ainsi son
* Plusieurs autres exemples
de taureaux divins nous sont connus, comme le culte d’Apis en Egypte. Dans la
cité d’Ougarit ou Ugarit (aujourd’hui, Ras Shamra), vaste site urbain
protohistorique situé sur la côte syrienne de la Méditerranée, au nord de
Lattaquié, où apparut l’écriture alphabétique et qui fournit les seuls textes
littéraires cananéens connus, le Dieu Baal était dénommé Iglu, qui signifie
taureau et c’est précieusement ce nom, éguel en hébreu, que l’exode utilise
pour désigner le veau d’or. A Ougarit encore le terme thor est également employé pour désigner un taureau adulte ou âgé
associé à El, le père des Dieux.
·
Selon
l’Exode, Aaron était le frère de Moise et un descendant de la tribu de Lévi.
Aaron accompagna Moise chez le pharaon pour demander la délivrance des hébreux.
Il Participa alors aux prodiges, dits les dix « plaies de
l’Egypte », dont le plus célèbre fut la transformation de son bâton en
serpent devant le pharaon. Plus tard, Moise confia le peuple à Aaron et à Hour,
pendant qu’il gagnait le Sinaï avec Josué pour recevoir les tables de la Loi.
Selon la tradition, Aaron est le premier des pontifes, et ses successeurs seront
choisis parmi « ses frères » (Lévitique,
XX, 10). Aaron mourut au seuil de la terre promise à Hor.-la- Montagne,
selon les Nombres, ou à Moséra selon le Deutéronome. Son rôle de prêtre fut
confié à son fols Eléazar.
·
Jéroboam
I°, qui sera selon l’Ancien Testament (voir le premier et le second livre des
Rois ainsi que le premier livre des Chroniques), premier roi de la partie nord
du royaume d’Israël (de 922 av.J – C. à 901 av. J – C.), était membre de la
tribu d’Ephraim. Avant d’accéder au trône, il organisa contre le roi Salomon un
complot qui échoua et s’enfuit en Egypte où il demeura jusqu’à la mort de
Salomon. Il revint en Palestine pour diriger une révolte contre le fils et
successeur de Salomon, Roboam, et réussit à devenir roi des dix tribus septentrionales
d’Israël, faisant de Sichem sa capitale, tandis que Roboam restait roi de Juda,
dans le sud. Jéroboam I° fit construire deux autels à Béthel et à Dan, et
encouragea un culte étranger au judaïsme.
·
Ancien
sanctuaire du dieu El (Beth-El signifie temple de El), situé à 19 kilomètres
environs au nord de Jérusalem. Les traditions bibliques l’ont rattaché aux
patriarches Abraham (Gen, XII, 8 et XIII, 3-4) et Jacob (Gen,
XXVII, 10-22 et XXXV, 1-16). C’est en effet en ce lieu que Dieu apparaît en songe à
Jacob.
·
Nom
d’une des douze tribus israélites, qui occupa d’abord la région située à
l’ouest de Jérusalem, autour de Beth-Shemeh (la maison du soleil ou
ensoleillée) (Jug, XIII à XVI), puis s’installa au nord de la
Palestine, prés des sources du Jourdain, autour de l’ancienne ville cananéenne
de Lais (Jug, XVIII), qui s’appela
dés lors Dan.
· Territoire par ces deux « Veaux d’or ». Il voulait empêcher son peuple d’aller au sanctuaire de Jérusalem.
Pour les grands prêtres juifs, qui racontent cette histoire, c’était en opposition avec la loi de Moise qui interdisait toute représentation sculptée de Dieu. Pour faire comprendre la gravité de la faute à leurs contemporains, ils ont insisté sur la colère de Moise qui avait brisé les tables de la Loi. Ils voyaient là une annonce des malheurs qui ne manqueraient pas d’arriver, toutes les fois que les Israélites ravaleraient le « Vrai Dieu » au rang des divinités de la nature et sombreraient dans le culte des idoles.
Le culte du taureau chez les hébreux
Symbole de la force créatrice, le taureau* représente El, dieu des dieu syriens,
L’Elohim des Patriarche hébraïques immigrés en Palestine (Abraham, Isaac et Jacob).
Présent comme piédestal de Dieu dans les sanctuaires dédiés à Yahvé – de l’hébreux il est, devenu de par la volonté de Dieu son nom pour l’éternité (Exode III, 15) – les Psaumes vantent sa force invincible. Mais Yahvé, dieu jaloux, ne tolère pas de coexister avec Baal ou Astarté, idoles taurines des peuples voisins qu’adorent aussi les Hébreux et auxquelles ils offrent des sacrifices qui le dégoûtent : Que m’importe la multitude de vos sacrifices ? dit l’Eternel. Je ne prends point plaisir au sang des taureaux… (Isaïe I, 11-17, vers 740 av JC).
La compétition sera longue et féroce : entre la religion de Yahvé, dieu unique, (idée née de l’imagination d’Akhenaton le pharaon fou et mise en scène par un prophète ambitieux – Moise pouvant se traduire dans ce sens par l’enfant… du tout –Puissant-), et l’expérience de sacralité cosmique incarnée par le taureau de Baal, les Hébreux, peuple élu, doivent choisir. [Ecoute Israël, l’Eternel est ton Dieu, il est unique ! (Deutéronome VI, 4-9].
Pour emporter la décision, YHWH descend de son piédestal d’Eternité, entre dans l’arène et chute dans l’histoire : en l’an 2513 de l’âge du monde (1491 av JC), il convoque Moise en haut d’une montagne et lui dit : Je suis celui qui suis (Exode III, 14). Puis il lui donne deux Tables de pierres sur lesquelles il a gravé de son doigt les Dix commandements que son peuple devra observer.
Mais en l’absence de Moise les enfants d’Israël s’impatientent. En voyant que celui-ci tarde à revenir, las des rigueurs austères que Yahvé leur impose exigeant d’eux l’exclusivité de leur dévotion en charge d’une aléatoire béatitude posthume, ils décident d’invoquer un nouveau dieu à qui ils demandent le bien-être et l’abondance immédiats.
·
La
vache et le veau sont des symboles Egyptiens de fertilités. Methyer, ou la
vache primitive représentait les eaux du Noun (le magma liquide primitif de la
création du monde vu par les égyptiens de l’époque archaïque). Mais dans
certaines cosmogonies (mythes qui contribuent à diverses divinités locales une
façon personnelle de créer le monde) la déesse vache servait de lieu de
gestation au soleil avant son apparition. A partir des premières dynasties
officielles, le culte des animaux / fétiches passa au second plan. Il fut
remplacé dés vers – 2700 avant l’ère chrétienne par une nouvelle religion qui
parlait d’un Dieu suprême, omniprésent et invisible qui avait le pouvoir de faire ressusciter les
âmes méritantes.Le culte aux taureaux qui avait conservé son rôle symbolique
reprit de l’importance sous Aménophis II et la dynastie des Ramsès qui se faisaient honorer eux-mêmes comme de véritables dieux
vivants… Selon les pharaons en exercice, l’Egypte a donc connu des hautes et des basses périodes de spiritualité
alternées, avec des Périodes Intermédiaires de guerres civiles ou
d’occupation par des étrangers qui ont
duré parfois plus de deux siècles… Sous le Nouvel Empire (période où les
hébreux vécurent en Egypte). La religion de vint même assez confuse puisque
certains pharaons n’hésitent pas à se faire adorer et sculpter de manière
colossale comme étant les égaux du plus grand dieu !
Un dieu païen dans la tradition égyptienne et babylonienne, le seul à oser contester la puissance de Yahvé : un taureau, le veau d’or, qu’ils obligent Aaron à couler dans l’or des pendants d’oreilles de leurs femmes. Descendant amaigri de sa montagne, Moise d découvre son peuple adorant le Taureau dans une orgie formidable, célébrant ainsi avec la Terre Mère.
Pris d’une fureur sacrée, il réduit en poussière les Tables de Dieu et l’Idole, puis réunit autours de lui les hommes de la tribu de Lévi, à qui il ordonne de tuer tous les adorateurs du Taureau en quelques heures, n’épargnant ni parents ni amis. Selon le récit de l’Exode (XXXII, 28),il est obéit avec zèle : en quelques heures, précise la Bible, trois mille victimes sont égorgées ! Moise félicite alors ceux qui, par leur bénédiction de Dieu étant sur eux, les prêtres de Yahvé seront désormais choisis en exclusivité parmi les hommes de leur tribu.
Le lendemain, le cœur déchiré par le malheur survenu à son peuple (avoir renié Yahvé pour le Taureau et non s’être fait massacrer), il rassemble les survivants et leur annonce qu’il retourne s’humilier devant Dieu, en leur nom, pour tenter de calmer sa colère et obtenir son pardon. Sa charité héroïque s’avère un remède efficace : après avoir expié pendant quarante jours la faute de son peuple au sommet di Mont Sinaï, Moise reçoit, pour la deuxième fois, les Tables de la Loi. Revenant parmi les siens qui cette fois l’ont attendu sans s’impatienter, il estime opportun desceller définitivement et de façon solennelle l’alliance que Dieu offre à son peuple. Et pour célébrer l’évènement avec faste, il lève un impôt. Spontanément, le peuple d’Israël offre ses biens les plus précieux : pendants d’oreilles, bracelets, anneaux et vases d’or sont fondus pour couler l’Arche d’Alliance qui renfermera les tables sacrées et le chandelier à sept branches (menora en hébreu) qui l’illuminera (an 2514 de l’âge du monde, 1490 avant J- C, Exode XXV, 37).
Rancunier, Yahvé condamnera pourtant les Hébreux à séjourner quarante années dans le labyrinthe du Sinaï, où ils erreront en survivant grâce aux talents de sourcier de Moise qui les abreuvera de ses miracles, avant de pénétrer enfin dans la Terre Promise du pays de Canaan.
Ecrits
religieux ou réalités historique ?
Pour de nombreux chercheurs et écrivains le Veau d’or ne serait que le dieu égyptien Apis et que ce chapitre du Pentateuque aurait été rédigé plusieurs siècles après son hypothétique déroulement.
Aben-Hezra* pense pour sa part que le Pentateuque a été rédigé du temps des rois. Matérialistes, des auteurs comme Wollaston, Collins, Tyndall, Bolingbroke, Shaftesbury, et beaucoup d’autres, considèrent que l’art de graver ses pensées sur la pierre polie, su la brique, les Chaldéens et les Egyptiens ne pouvaient écrire autrement.
*Le rabbin Aben-hezra fut, comme on l’a dit, qui osa prétendre que le
Pentateuque a été rédigé longtemps après la mort de Moise : il se fonde
sur plusieurs passage. « le Chanéen (Genèse IX, 6) était alors dans ce pays La montagne de Moria (II. Paralip, III, 1), appelée la montagne de Dieu. Le lit de Og,
roi de Bazan, se voit encore en Rabath,
et il appela tout ce pays de Bazan les
villages de Jair, jusqu’aujourd’hui..
Il ne s’est jamais vu de
prophète en Israël comme Moise. On répond à ces objections que ces passages
sont des notes ajoutées longtemps après par les copistes.
Dans la pratique on ne pouvait alors graver que d’une manière très abrégée, et en hiéroglyphes, la substance des choses qu’on voulait transmettre à la postérité, et non pas des histoires détaillées : il n’était pas possible de graver de gros livres dans un désert où l’on changeait si souvent de demeure, où l’on n’avait personne qui pût fournir les vêtements, ni les tailler, ni même raccommoder les sandales, et où Dieu fût obligé de faire un miracle de quarante années (Deutéronome, VIII, 5) pour conserver les vêtements et les chaussures de son peuple. Ils disent qu’il n’est pas nécessaire, et qu’on ne pouvait même faire du pain. Si, s’appuyant sur les textes bibliques, on leur dit que les colonnes du tabernacle étaient d’airain, et les chapiteaux d’argent massif, ils répondent que l’ordre a pu en être donné dans le désert, mais qu’il ne fût exécuté que dans des temps plus heureux.
Ils ne peuvent concevoir que ce peuple pauvre ait demandé un veau d’or massif (Exode, XXXII, 1) pour l’adorer au pied de la montagne même Dieu parlait à Moise, au milieu des foudres et des éclairs que ce peuple voyait (Exode, XIX, 18-19), et au son de la trompette céleste qu’il entendait. Ils s’étonnent que la veille du jour même où Moise descendit de la montagne, tout ce peuple se soit adressé à Aaron, son frère, pour avoir ce veau d’or massif. Comment Aaron le jeta –t-il en fonte en un seul jour (Exode, XXXII, 4) ? Comment ensuite Moise le réduisit-il en poudre (Exode, XXXII, 20) ? Ils disent qu’ils est impossible à tout artiste de faire en moins de trois mois une statue d’or, et que, pour réduire en poudre qu’on puisse avaler, l’art de la chimie la plus savante ne suffit pas : ainsi la prévarication d’Aaron et l’opération de Moise aurait été deux miracles.
Le réalisme historique empêche de croire que Moise ait fait égorger trois mille personnes* (Exode, XXXII, 28) pour expier ce péché. De plus, il est difficile d’imaginer que ces trois mille hommes se soient ainsi laissés massacrer par des lévites, à moins d’un troisième miracle. Enfin il est étrange qu(Aaron, le plus coupable de tous, ait été récompensé du crime dont les autres étaient si horriblement punis (Exode, XXXIII, 19 et Lévitique, VIII, 2), et qu’il ait été fait grand prêtre, tandis que les cadavres de trois mille de ses frères sanglants étaient entassés au pied de l’autel où ils allaient pratiquer un sacrifice.
Finissons cette note par un passage important du Lévitique, livre composé après l’adoration du veau d’or. Il ordonna aux Juifs de ne plus adorer les velus, « les boucs, avec lesquels même ils ont commis des abominations infâmes ». On ne sait si cet étrange culte venait d’Egypte, patrie de la superstition et du sortilège ; mais on croit que la coutume de nos prétendus sorciers d’aller au shabbat, d’y adorer un bouc, et de s’abandonner avec lui à des turpides inconcevables, dont l’idée fait horreur, est venue des anciens Juifs : en effet, ce furent eux qui enseignèrent dans une partie de l’Europe la sorcellerie…
*Ils font les mêmes difficultés sur les vingt-quatre mille Israélites massacrés par l’ordre de Moise (Nombres, XXV, 9), pour expirer la faute d’un seul qu’on avait surpris avec une fille Madianite. On voit tant de rois Juifs, et surtout Salomon, épouser impunément des étrangères que ces critiques ne peuvent admettre que l’alliance d’une Madianite ait été un si grand crime : Ruth était Mohabite, quoique sa famille fût originaire de Bethléem ; la sainte Ecriture l’appelle toujours Ruth la Mohabite : cependant elle alla se mettre dans le lit de Booz par le conseil de sa mère ; elle reçut six boisseaux d’orge, l’épousa ensuite, et fût l’aïeule de David.Rahab était non seulement étrangère, mais une femme publique ; la Vulgate ne lui donne d’autre titre que celui de meretrix (Josué, VI, 17) ; elle épousa Salomon, prince de Juda ; et c’est encore de ce Salomon que David descend. On regarde Rahab comme la figure de l’Eglise chrétienne : c’est le sentiment de plusieurs Pères, et surtout d’Origène dans sa septième homélie sur Josué.