DE LA REFORME DE L’AUDIOVISUEL

DE LA LIBERTE D’EXPRESSION

Pierre-Charles Aubrit Saint Pol

 

 

LA LETTRE CATHOLIQUE N°59

DIFFUSION GRATUITE - FAITES LA CONNAÎTRE – 10 décembre 2008 -

" Est ce qui est ! Obéir à la Vérité pour mieux servir la Charité "

 

 

 

 

 

 

Le rôle des médias est de communiquer, de transmettre et de former les consciences, les intelligences. Les médias complètent la diffusion de la connaissance qu’a mission de donner l’école. Ils sont donc non seulement des instruments d’information, mais également des lieux de discussion, d’échange, de communication échangée. Il est regrettable que les médias papiers aient réduit sensiblement leur espace à l’intervention de leurs lecteurs, c’est surtout vrai pour les médias idéologiquement engagés qui répugnent à ouvrir leurs colonnes à des intervenants opposés à leur engagement. La presse éditrice devrait prendre en compte ce point dans sa réflexion sur la crise qu’elle traverse. De manière générale, les médias donnent l’impression d’être figés, institutionnalisés avec des pesanteurs intellectuelles qui contredisent leurs appels répétés à la liberté d’informer. 

 

Depuis que l’homme est conscient de lui-même, il éprouve un appétit à comprendre et à transmettre. Ce sont les Grecs avec l’Acropole, les Romains avec le Forum ou leurs basiliques qui ont créé des espaces de libre échange, d’information. C’étaient des lieux publics, ouverts à tous, au sein desquels on échangeait, on informait, on enseignait ; ils étaient les médias de leur époque, il n’était pas rare de voir intervenir des esclaves. Les médias audiovisuels sont davantage les continuateurs de ces espaces antiques.

 

Dans les temps modernes, avec la liberté d’expression, la société s’est ouverte à d’autres modes d’échange et d’expression, de diffusion ; c’est ainsi que naquit, sous le roi Louis XIII, la première gazette, ce principe embryonnaire est le père des médias d’aujourd’hui. Il ne fait aucun doute qu’il s’agisse là d’une conquête légitime de l’homme pour sa liberté.

L’homme n’a pas seulement le droit de penser, mais il lui est un devoir de penser et de la communiquer ; la communication de la pensée vers autrui est tout à la fois un impératif moral et spirituel, nous entendons ici par penser, la compréhension qu’il a du monde et de sa société. C’est une exigence sociale qui lui permet de s’affirmer, de communier avec ses semblables.

 

 

Liberté de penser :

 

 

Le concept de liberté de penser, d’expression et celui d’informer est un ensemble très lié sur lequel, il faut s’arrêter un peu.

 

Il a toujours été risqué de dire ce que l’on pense et encore aujourd’hui des régimes plus honteux les uns des autres réduisent cette liberté à peau de chagrin. La liberté d’expression est unie à la vie intellectuelle ; car il est d’un mouvement continu que de transmettre ce qu’on a appris, ce qu’on sait ou croit savoir et connaître. Les sociétés modernes sont traversées depuis la conquête des libertés par toute sorte de courants de pensée, par des débats d’idées qui demandent une liberté d’expression responsable.

 

Pourtant de nos jours, surgissent des groupes de pression qui tendent à réduire la liberté d’expression au nom du droit, intellectuellement improbable, à la différence ou bien encore parce que telle tranche de l’histoire est considérée comme sacrée qu’il ne faut pas remettre en cause. Il y a pourtant un principe simple qui découle de l’appétit naturel de comprendre, il ne peut y avoir, par principe, de limitation à l’intérêt intellectuel de l’acte humain. Il n’y a aucune limite à la vigilance intellectuelle sauf ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de l’homme, à sa grandeur dans la manière de s’exprimer surtout[1], ainsi qu’à la nécessité de la compassion, de la charité, ce qui demande du discernement, et que l’on mette le témoignage de la Vérité dans la lumière de la charité, l’amour du prochain.

 

Beaucoup de ces groupes de pression s’empressent de « judiciariser » leur propension à s’opposer à la liberté d’expression dès que le sujet traité les concerne d’un peu trop près ou surtout s’il tend à remettre en cause des acquis, des positions qui n’ont de légitime que ce que la loi peut leur faire à croire ; car bien des dispositions du législateur sortent du cadre de la loi morale naturelle et de ce fait, elles n’ont aucune légitimité. Le pouvoir du législateur est ici, en son esprit, parfaitement dévoyé.

Qu’il y ait des garde-fous pour retenir les excès désobligeants cela se comprend, mais pour autant, on devrait sans crainte s’exprimer sur des sujets de sociétés quels qu’ils soient. On peut par exemple exprimer son opposition à certaines revendications que l’on considère comme contre nature sans pour autant être accusé de phobie ou de je ne sais quelle attitude d’intolérance ou de racisme. Il est presque devenu scandaleux de se dire antisioniste, car tout de suite on est soupçonné d’être antisémite, c’est un raccourcis ubuesque quand on sait que parmi les juifs et des israéliens, il existe des opposants au sionisme, personne n’aurait l’idée saugrenue de les accuser d’antisémitisme.

 

Beaucoup de ces groupes de pression estiment qu’il y a des champs de la société interdits à toute investigation intellectuelle, une telle ambiance ne peut que réduire d’autant la vie démocratique et tend à instaurer l’arbitraire. C’est là un état de fait qui se banalise dans nos vieilles démocraties et contre lequel le législateur doit sévir. Il n’est pas normal d’empêcher l’usage de la libre étude, de la libre expression.

Ainsi voit-on sévir des interdits dans les milieux universitaires, il y a de nos jours des projets de thèse interdits parce que considérés comme politiquement incorrectes, ce qui est inadmissible. Il ne devrait pas y avoir ce genre d’interdit dans les sanctuaires de la vie intellectuelle. Il n’est pas rare, sur les plateaux médiatiques, d’assister à des comportements de grande violence intellectuelle et morale, certains intervenants sont souvent malmenés par des animateurs acquis à la cause, ils n’hésitent pas à humilier les invités[2]. Il en est de même pour des sujets plus généraux comme l’environnement, sur ce point, on déplore le manque criant de débats contradictoires : la dictature du bien pensant, de la pensée unique !

 

La question de la liberté d’expression en France et en Europe se pose réellement, elle doit faire partie intégrante de la réflexion des politiques ; on ne peut être passif devant les agissements de minorités qui veulent objectivement réduire nos libertés pour se voir protégées aux dépends des fondements de la société démocratique. Que nos politiques fassent preuve de courage ! Savoir être impopulaire est souvent nécessaire en démocratie.

 

De la réforme de l’audiovisuel :

 

Le projet de nommer un président par le gouvernement pour diriger l’ensemble des services publics de l’audiovisuel est une décision politique de bon sens et courageuse ; cette réforme est logique et entourée de précautions institutionnelles si fortes qu’elle ne souffre aucune contestation si ce n’est qu’un prétexte pour l’opposition d’essayer d’exister en ces temps de crise.

 

La décision de retirer les publicités à partir de 20 heures est là aussi une excellente décision, elle permettra de mettre à un horaire décent la diffusion des émissions et de rendre accessible certaines d’entre elles de qualité, mais diffusées la plupart du temps pour les insomniaques.

 

La réforme en elle-même ne pose pas de difficultés insurmontables, la question financière trouvera ses solutions en posant le postulat de l’économie, en appliquant la rigueur et l’honnêteté dans la gestion. C’est une entreprise qui devrait faire des bénéfices.

Il ne serait pas choquant de supprimer le journal national sur FR3 qui fait doublon avec celui de FR2, et permettre le développement du journal des régions avec un souci de mettre en valeur la vie de proximité et les cultures spécifiques. On pourrait s’attarder davantage sur la vie associative.  D’autre part, en regroupant en un seul lieu les services techniques, les plateaux des émissions, on pourrait vendre certains immeubles et investir une partie de cette masse financière dans les promotions commerciales.

 

Cette réforme est une opportunité pour étendre celle-ci non seulement au contenu, mais également à la qualité des animateurs avec le souci majeur d’étendre et de garantir ces espaces d’expression qui doivent devenir des lieux de liberté.

 

L’implication culturelle des médias du service public doit être totalement libre ; les émissions littéraires font appels aux mêmes ronds de cuir, elles atteignent un degré étonnant dans la sphère soporifique, il arrive qu’on se sente anesthésié. On voit toujours les mêmes, ils ronronnent comme des assurances vie : les poncifs convenus ! Des émissions où tout y est attendu, tranquille, si rassurant ! Il en est de même pour les émissions de variété : c’est le principe des manèges : chacun son petit tour. Des émissions souvent avariées. Faut-il nécessairement subir tous les dimanches la même chose ainsi que le samedi soir ? Faites péter la maison, dépoussiérer, de l’air, du neuf, de la qualité et de la liberté !

 

Soyez généreux et inventifs, pensez aux téléspectateurs plutôt qu’à vous-mêmes chers animateurs et journalistes ; soyez derrière vos invités, faites comme Jacques Chancel et les pères fondateurs de l’ORTF, respectez-nous, cherchez à nous séduire par la qualité de vos émissions sans pour autant exposer les vôtres. Cherchez à nous enchanter !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Il est clair qu’exprimer des théories racistes ou toutes autres théories portant atteinte à la dignité de l’homme n’ont aucun droit de cité, mais cela devrait aussi concerner la diffusion d’ouvrages qui incitent à la dégradation morale comme les sites pornographiques ; bizarrement, à ces sujets, on brandit le droit à la libre création et expression ! C’est ce qu’on qualifie d’options liberticides.

[2]  Qu’on se souvienne du débat sur M6 au sujet de la manifestation pour la vie de 2007, il est heureux que cet animateur ait été remercié pour son attitude agressive, méprisante vis-à-vis de la représentante de cette marche.