DE LA CRISE ECONOMIQUE – DE LA CRISE MORALE THEODULFE SOPLATARIS |
LA LETTRE
CATHOLIQUE N°52 DIFFUSION GRATUITE - FAITES LA CONNAÎTRE – 5 OCTOBRE 2008 - " Est ce qui est ! Obéir à la Vérité pour mieux servir la Charité
" |
LA BOURSE
La crise financière qui a explosé ces dernières semaines et qui n’a
peut-être pas encore touché le fond ; crise qui n’aura semble-t-il surpris
que les ignorants ou les naïfs, mais stupéfié par son ampleur, moins par les
montants des pertes que par la mise à nu des rouages pourris qu’elle révèle et
l’effondrement moral de beaucoup de dirigeants.
Cette crise financière débouche sur une crise économique qui se
profilait déjà l’année dernière et que la montée des denrées alimentaires et
des énergies fossiles avait accélérée. En conséquence, le Président Sarkozy qui
surprend par sa rapidité de réaction demande la constitution d’un pouvoir
central économique dans l’euro-groupe. Cette proposition est-elle
logique ?
On peut avoir toutes les opinions que l’on voudra sur les décisions
politiques au sujet de cette crise que prend notre gouvernement. Il s’impose
que notre Président reste fidèle à ses engagements électoraux : tout faire
pour ramener de la croissance en France. La crise a tout bouleversé, mais sa
volonté reste la même, fidèle en esprit aux engagements pris devant les
Français. Pourquoi devrions-nous lui faire un procès d’intentions ;
peut-on supposer que ce qu’il fait tend à rejoindre un projet contraire aux
intérêts de la France, n’est pas acceptable. On peut être opposé à son analyse,
à ses conclusions, mais on ne peut l’accuser de duplicité et rien ne nous
permet de douter de la droiture de ses intentions. Depuis le début de cette
crise, il ne se départ pas de parler en vérité, son intention reste dans un
pragmatisme efficace, certes insuffisant ; le réalisme ne suffit que dans
un temps court. Il devra s’adresser à la Nation avec des perspectives qui
devront aller au-delà des nécessités économiques. Le Président a besoin de la
réflexion des intellectuels, nous devons lui donner une assise qui lui permette
d’inscrire son action dans le temps.
La crise financière, et maintenant économique, ne remet pas en cause
les principes sains qui fondent le capitalisme, mais elle fait ressortir des
données pédagogiques claires :
1- Le néo-libéralisme démontre ses limites ; la dérégulation des
marchés financiers fut une énorme bêtise[1]. L’Etat
doit conserver et renforcer sa vigilance, par un corps de lois si
nécessaire ; car il est de son
devoir d’état de protéger les couches sociales les plus exposées et aussi parce
que les enjeux financiers et économiques ne sont plus dissociables d’une
stratégie globale de sécurité et d’expansion. Il est inadmissible que les
responsables des banques et des hautes industries imposent leur dictat au
pouvoir politique sans autre souci que le profit, au mépris des intérêts
nationaux.
Cette idéologie qui n’est rien de moins qu’un retour au capitalisme
sauvage du XIXème siècle fut une aberration dans son principe ; elle
semble être le résultat psychologique d’une réaction triomphale face à
l’effondrement du capitalisme d’Etat que surligne, non sans vulgarité,
l’économie d’un pays comme la Chine.
Enfin, cette crise, de part sa mécanique de causalité, invite à
réfléchir sur l’usage du prêt, de l’emprunt, un usage exponentiel. Cet aspect
obligera à moyens termes à une réflexion de bon sens sur les fondements réels
ou imaginaires de la société de consommation[2].
L’autre versant de cette crise est d’ordre moral ; je sais que
beaucoup pensent que là ne saurait-être la question, elle est pourtant criante
à hurler ! Car quand une banque en faillite réelle parvient à vendre sa
faillite en actions fictives tout en s’enrichissant et en récupérant ses mises
de fond, il y a bien là un scandale moral qui réclame une réponse pour
l’avenir, mais aussi dans l’immédiat. Il est quand même ahurissant que de hauts
dirigeants des Etats Unis et d’Angleterre, auteurs réfléchis de cette crise, ne
soient pas poursuivis par la justice. C’est à croire que dans certains de ces
milieux, la transpiration du pauvre ne représente rien.
2- L’une des incidences de ce néo-libéralisme concerne les dispositions
d’aides sociales et entre autre l’accès facilité à la propriété. Sans remettre
en cause le droit naturel à la propriété, on doit réfléchir sur les raisons qui
poussent les gouvernements de Gauche comme de Droite à développer ce concept. A
quoi sert-il de pousser les gens à l’endettement pendant 30 à 40 ans ; le
bonheur dépend-il de la capacité qu’a l’individu à être propriétaire ?
Sachant qu’aujourd’hui, une maison moyenne a une durée de vie de moins de cinquante ans.
On a le sentiment que la maison et la voiture sont devenues des aliénations
économique et financière en vue d’une sorte de pacification sociale. La
propriété, la possession ne dont pas là une finalité en eux-mêmes, elles ont un
rôle éminent socialisation entre les hommes, mais pour cela faut-il que es
marches qui permettent d’accéder à la propriété soient saines.
En définitif, il semble que nous soyons non pas dans une logique
d’enrichissement, mais bien dans celle de la consommation à outrance. On crée
des appétits de confort, de consommation qui ne se relient pas aux besoins
naturels et premiers de l’homme, mais sont en fait construits davantage sur des
données psychologiques et virtuelles. C’est une situation qui ne contribue pas
à l’assainissement de l’économie puisque d’évidence, l’économie est devenue
suffragante des marchés financiers. Les déclarations stupéfiantes de M.
Dassault en février 2007 illustrent mon propos, jusqu’à cette crise, nous
étions dans un néo-libéralisme largement inspiré du capitalisme inhumain du
XIXème siècle et objectivement aliénant.
(Ici)
« vidéo »
Le néo-libéralisme a également une incidence sur la culture du
travail : on travaille pour vivre décemment, pour accéder légitimement aux
besoins naturels inhérents à la dignité de l’homme ; sauf que la
perversion néo-libérale met le travail en situation de suffragant des marchés
financiers. Il n’est plus qu’un accessoire étroitement lié à la société de
consommation, s’il n’est plus collaborateur du pouvoir financier alors il faut
s’en défaire, d’ù le chômage récurant. La fragilité du statut du travail se
trouve renforcée par les effets pervers de la non-culture soixante-huitarde
pour qui, le fait de simplement vouloir travailler, était culpabilisé à moins
de ne pas exprimer des qualités qui puissent tendre à la supériorité de qualité
sur l’autre.
Le néo-libéralisme est une idéologie qui rejoint toutes celles issues
de la culture révolutionnaire y compris les réactionnaires.
Les récentes déclarations de la réunion du patronat du G 5 convoquée
par Mme Florence Parisot, Présidente du Patronat français confirment que lui
aussi demeure dans cette culture qui fut au XVIIIème siècle à l’initiative de
la révolution française et mondiale par la suite. (Ici)
« vidéo »[3]
Il ne faudra pas que cette crise aboutisse au renforcement du
néo-libéralisme au nom de la mondialisation, si cela devait se produire, elle
générerait une disparition des petites et moyennes entreprises et achèverait la
déstabilisation des classes moyennes et des couches sociales les plus fragiles.
Le capitalisme est le mouvement économique qui correspond le mieux aux
échanges entre les hommes et les nations et qui devrait favoriser
l’enrichissement de toutes les couches sociales. C’est un concept et un moteur
dont la structure originelle procède de la nécessité, elle-même consécutive de
la nature de l’homme et de sa société. Il exige un équilibre sage entre
l’initiative individuelle et privée et l’intervention régulatrice de
l’Etat ; il n’a pas besoin d’être pollué par des idéologies qui,
aujourd’hui, ont démontré leur inhumanité, car elles procèdent d’une approche
et d’une vision blessée de l’homme[4].
Le capitalisme n’est viable et supportable qu’à la condition que les
flux économiques et financiers soient liés et soumis aux exigences de justice,
de morale. Il y a donc un impératif majeur qui le conditionne : la
redistribution équitable des richesses seule façon de maintenir les fondements
économiques et financiers saints. Cette redistribution des richesses d’abord
par le travail et en suite seulement par l’impôt est le facteur le plus
régulateur pour les transite des capitaux. Les syndicats français aggravent la
crise, car leurs revendications sont trop souvent établies dans une opposition
aux fondamentaux de l’économie qu’ils semblent incapables d’intégrer dans leur
culture sociale pour autant qu’il en est une en évidence. Ils restent
profondément emmurés dans des présupposés idéologiques, alors qu’ils devraient
considérer les fondements du capitalisme comme leur meilleur allié.
Le principat du capitalisme induit qu’il y ait et qu’il y aura toujours
des moins riches, voir des pauvres et des plus riches voir des très riches. Le rôle
de l’Etat est de réduire la possibilité des riches de s’enrichir abusivement en
les contraignant à réinvestir dans des activités qui maintiennent et renforcent
l’emploi et de permettre aux plus humbles de s’enrichir. C’est pourquoi les
marchés financiers doivent être régulés de telle manière qu’ils deviennent
suffragants de l’économie réelle. Il n’est pas vrai de dire, comme l’affirme
Mme Parisot : « que les banques soient totalement impliquées dans
l’économie réelle… ». Si c’était le cas, aurions-nous aujourd’hui à faire
face à cette double crise[5] ?
Les banques doivent être sous le contrôle régalien, la banque nationale
doit retrouver la plénitude de son autorité avec la liberté de poursuivre en
justice si nécessaire. Les dirigeants des banques ne doivent plus jouir d’une
sorte d’impunité de fait, car tout homme doit rendre compte de ses actes ;
c’est une exigence qui est liée à sa dignité : « être toujours dans
la lumière de la vérité de son acte ». Il importe aussi de renforcer les
pouvoirs des institutions de surveillance boursière ; les enrichissements
spéculatifs doivent être taxés sévèrement s’ils ne sont liés au développement
économique direct.
Le problème de la pauvreté et de la richesse est inhérent à la
condition de l’homme et de sa société qui sont tous les deux blessés par le
péché originel. La pauvreté et la richesse ne sont pas des scandales ; ce
n’est pas un problème qu’il y ait des pauvres et des riches. Mais ce qui
devient un scandale, c’est quand la pauvreté devient misère, c’est-à-dire quand
l’essentiel n’est plus assuré, n’est pas accessible ; c’est aussi quand la
richesse se trouve concentrée en quelques mains qui peuvent aller jusqu’à
défier l’Etat et le peuple. La misère et l’excessive richesse sont à n’en pas
douter un réel scandale devant lequel l’Etat ne peut se dérober, c’est la
raison pour laquelle l’Eglise reconnaît à l’Etat la légitimité de nationaliser.
C’est pourquoi, l’impôt sur la fortune est une bêtise au même titre que
les 35 heures, car tous les deux sont autant d’handicaps infructueux pour le
capitalisme, car tous les deux sont les fruits de présupposés idéologiques qui
n’ont que l’apparence de la recherche de la justice sociale.
Le capitalisme doit être compris comme le transbordeur de richesses.
Je ne crois pas qu’il convienne d’envisager une refondation du
capitalisme, l’usage de ce mot dans les discours politiques recèle trop de
sous-entendus, de pièges, il y a là une odeur de manipulation qui alerte
judicieusement la méfiance.
Le capitalisme n’a pas besoin d’une refondation, ce sont les
dirigeants, les sociétés qui ont d’urgence besoin de convertir leur regard
qu’ils portent sans pudeur sur l’homme. La main d’œuvre ne peut plus être que
le facteur Y, élément insignifiant de l’économie ni du pouvoir financier. L’usage
de ce mot doit être compris comme le projet d’un effacement d’ardoise pour les
consciences engagées dans ce fiasco. Alors que nous avons besoin de regarder en
vérité et sans concession la crise avec tous ses rouages et identifier les
responsabilités.
Sur les premières marches de ce nouveau millénaire, la maturité de nos
sociétés doit se révéler en inventant un socle stable sur lequel devraient
s’amarrer les principes renouvelés de justice et de morale.
La demande de constitution d’un pouvoir économique fédérant
l’€uro-groupe ne peut se réaliser dans cet état d’urgence. M. Sarkozy ne
devrait pas tenter de bousculer les peuples, la pire des choses serait que se
renouvèle le sentiment de voir bafouer les principes de la démocratie. Cette proposition ne tient pas ! Il y a
suffisamment de structures déjà en place pour coordonner une réelle politique
économique dans la zone €uro sans inventer une identité nouvelle à l’intérieur
d’une structure de moins en moins identifiable. Que les membres de
l’€uro-groupe travaillent avec ce qu’ils ont, il est urgent qu’ils apprennent
l’humilité et l’esprit de pauvreté.
- Le premier effort consiste à revisiter les fondamentaux sociaux de
chacun des membres et de voir comment, dans un premier temps, ils pourraient
tendre vers une harmonisation réelle, puis conjointement et en parallèle voir
comment mettre sur pieds une coordination économique qui tout en respectant les
usages de chacun permette d’unir les efforts pour relancer l’économie[6]. Il y
faudrait très peu de lois nouvelles, mais mieux ciblées. Il ne faut pas retirer
la souveraineté des Etats et peuples sur l’économie. Toutes les opportunités ne
sont pas toutes bonnes à prendre pour aboutir à marche forcée à l’application
du traité de Lisbonne[7]. Que
personne ne méprise les peuples ; aucun membre de l’€uro-groupe ne peut
prendre le risque d’une crise politique interne qui pourrait se transformer en
crise institutionnelle.
- La désignation d’une liste de paradis fiscaux part certainement de
bons sentiments, et bien en la matière, ce projet doit très vite prendre le
chemin des « chiottes !»
Il est inutile et dangereux à moyen terme de désigner à la vindicte
publique ces lieux très discrets. Cette attitude qui consiste à jouer les
vierges indignées et effarouchées est pure hypocrisie. Car ces lieux sont, dans
les conditions actuelles, nécessaires à la respiration du capitalisme. Si les
gouvernements voulaient réellement obtenir les renseignements concernant tous
les acteurs de ces paradis, il y a longtemps qu’ils seraient établis. Nul ne
peut violer la souveraineté de ces Etats, et je ne crois pas que les Etats Unis
voient cette gesticulation avec bienveillance, sauf à croire à un gadget de
fêtes de fin d’année.
L’Etat a suffisamment de moyens pour contrôler en amont, et s’il se fait
berner ce n’est pas très grave, car les masses financières en cause devront
nécessairement circuler par un phénomène naturel d’appétit universel ;
d’autant plus qu’on a qu’à davantage surveiller les spéculateurs, les
mouvements financiers internationaux. On peut le faire, qu’on le fasse. Cette
proposition est de trop et ce qui est de trop est nécessairement inutile,
dangereux, car trop enfantin. Ceux qui ont insufflé ce projet devraient être
alimentés en sucettes, ils doivent être en hyper-salé ! Vivent les
ânes !
En définitif, cette crise aura eu le mérite de mettre sous de francs
projecteurs que notre société perd de plus en plus l’intelligence de
l’homme ; son mépris, son rejet de Dieu et de l’ordre naturel la font
tourner en rond, elle s’illusionne de lumière alors que les ténèbres gagnent.
Tous les systèmes que l’homme sans Dieu s’est inventés sont
obsolètes ; est-ce donc l’orgueil qui l’empêche de s’intéresser à la
doctrine sociale de l’Eglise ?
[1] Cette dérégulation des marchés financiers fut initiée en France par la Gauche de François Mitterrand, mais après tout qui s’en étonnerait ; la gauche française a toujours subi le charme désuet de l’argent, charme à la morsure si vive qu’elle trouve son équilibre enfantin dans de grandes protestations de justice sociales qu’elle n’a jamais parvenue à stabiliser sans mettre en péril les hauts équilibres financiers de la Nation. La Gauche de ce point de vue là, reste cette vieille fille insatisfaite qui ne peut que baver haineusement devant l’amant qu’elle désire, mais qu’elle est bien incapable de séduire.
[2] On ne devrait pas accepter un taux d’endettement des ménages au-delà de 25% du revenu net salarial, indépendamment des aides sociales qui sont variables.
[3] Le libéralisme est né de la culture anglo-saxonne au XVIIIème siècle, il a inspiré le capitalisme latin qui en a surtout pris tous les défauts.
[4] Toute idéologie, qu’elle que soit sa provenance, est toujours attentatoire à la dignité de l’homme.
[5] Le patronat français a les mêmes défauts que nos syndicats pour l’ouvrier, il est tout aussi emmuré et perclus d’orgueil. Son emmurement idéologique est tout aussi écrasant.
[6] Il y a l’Union Européenne, pourquoi la remettre en cause ? Mais l’Union-Européenne a été incapable de prévenir la crise, que le Président Barosso porte la responsabilité de ce qui est d’évidence une faillite politique ; l’Union Européenne telle qu’elle est aujourd’hui a cessé d’exister. Elle s’est effondrée sur elle-même On devrait très vite renouveler les membres du Conseil, M. Barosso devrait démissionner, s’il avait une once de pudeur. L’Union Européenne n’a bougé que par l’autorité politique et morale d’un seul, le Président Sarkozy. Heureusement que le traité de Lisbonne n’est pas appliqué et n’est plus applicable.
[7] Le traité de Lisbonne n’est plus applicable, cette double crise a démontré ses incohérences, s’obstiner à l’imposer actuellement pourrait aboutir à une implosion, il convient donc de reconsidérer le processus institutionnel en respectant les peuples et leur désir de souveraineté.